J’ai suivi et filmé, à la demande de Sarah Bitter, la dernière année du chantier. Elle m’a suggéré des invitations d’intervenants, philosophe, danseuse, acrobate, écrivain, qui tous ont abordé, pensé, puis créé à leur manière, avec leurs outils, une relation avec ce lieu de vie en devenir. J’ai capté leurs gestes, leurs paroles, leurs mouvements, j’ai enregistré leurs voix, je les ai intégrés à la mise en scène au fur et à mesure que je construisais mon récit.

J’ai complété ce dialogue polyphonique en livrant mes impressions, en,
questionnant la pertinence de deux chantiers menés en parallèle : celui de Crimée, celui du film en train de se faire. L’architecture, le cinéma, impliqués dans un jeu de miroir.
Plus tard, au printemps, j’ai croisé les textes de Célia Houdart décrivant des
moments de vie inventés, et parfois délicieusement surréalistes, des futurs
habitants de la cité, avec des séquences de fiction que je réalisais moi-même. Je me souviens encore qu’au tournage de ces séquences, la nuit enrobait Crimée d’une douce sensation d’utopie. Les familles, des acteurs, figurants, amis, rassemblés dans la cour aux pavés chargés d’histoire, aux murs criants de modernité, sur les balcons et terrasses, et dans les escaliers rejoignant l’en bas, là où l’on se rassemble ; chacun semblait prendre possession de ce qui est dû à tout individu : sols, traverses, murs protecteurs, ouvertures, ciel, points de vue…

 

Le film, aujourd’hui, somme de toutes ces expériences, est un espace d’expression libre, adoptant sans complexe des références cinématographiques (Fellini, Scorsese) qui me sont chères et qui ont marqué les esprits en offrant au regard un monde où le peuple vivrait pleinement les lieux publics, communs, (ici la cour), à sa manière, livrant le son de ses cris, rires et conversations aux murs d’une ville soudain enchantée.
La littérature de Célia Houdart, la danse d’Alice Martins, l’acrobatie de la
compagnie Retouramont, la pensée de Jean Attali, le cinéma, s’invitent dans la naissance d’un lieu de vie en devenir créé par l’Agence Metek. Le drone, outil futuriste, ici utilisé comme acteur, propose dans une trajectoire transversale et par à coups, d’intégrer Crimée dans un espace mental plus large, celui de la ville toute entière.

«Crimée Enchantée» traduit nos besoins urgents d’utopie. Le film est, j’espère, révélateur des désirs que sous-tend la beauté visible et déjà recevable à l’oeil nu de cette architecture conçue par l’agence Metek.

 
Sophie Comtet Kouyaté, réalisatrice
 
         

Sophie Comtet Kouyaté est réalisatrice. Elle a d’abord été scénographe et plasticienne avec des artistes de la danse contemporaine (Beau Geste, Dominique Boivin, groupe Dunes...). Elle a ensuite réalisé des vidéos et des installations à Marseille. En 1998, elle a écrit et réalisé « Les bruits de la ville », un long métrage. CNC, Cinémas de Recherche en France. Elle a enchainé ensuite la réalisation de films documentaires en France et en Afrique : «Se mettre debout » (Surf Insertion, FFS, UNICEF), 2001, « Forobà » Public Sénat / LCP, LDH et RESF. 2003. Elle a aussi signé le montage de plusieurs fi lms d’artistes plasticiens: « Le grand Littoral » de Valérie Jouve (MAM New York, Centre Georges Pompidou), «Offshore» de Philippe Durand (Galerie Laurent Godin)... et de films documentaires d’auteurs.

De 2003 à 2006, elle collabore à l’émission «Les yeux dans l’écran» TV5 Monde initiée par Frédéric Mittérand.
Elle réalise, en 2007, le film «Foly», à Bamako (TV5 Monde. TV Rennes Cité Média. CNC) puis, en 2015, «Shukugawa River», un carnet de voyage au Japon. En 2016, son film «Sur La Terre de Saint Rémy” un témoignage de 5 années de réhabilitation d’une cité , est co-produit et diffusé sur France 3.
Actuellement, elle prépare un film «Diables en Dombes» et un travail photographique «Cult, les amis de mes amis...».